Phèdre : Mais qui sont ces savants, as-tu jamais entendu un discours meilleur que celui-ci ?
Socrate : Pour l´instant, je ne peux le dire avec exactitude. Mais il est vrai que j'ai déjà écouté chose meilleure, que ce soit de la belle Sappho, ou du savant Anacreon, ou de quelconque autre auteur.
Platon, Phèdre
... toi et Eros, mon serviteur…
Sappho, Fragments
PLATON ET LACAN: LE SYMPOSIUM ET LE RESSORT DE L´AMOUR
Le Banquet (1) (en Grec Symposium), dialogue de la maturité philosophique et littéraire de Platon, peut être partagé en cinq parties : 1ère - l'introduction ; 2ème - le tournoi de discours sur Eros (avec les cinq discours de : Phèdre, Pausanias, Eryximaque, Aristophane et Agathon) ; 3ème - le discours de Socrate, par le biais des mots de Diotime ; 4ème - l´entrée, le discours d'Alcibíade et la réplique de Socrate ; et 5ème - une brève conclusion.
Le Séminaire, livre 8 - le transfert (2) : après une introduction ayant le romantique titre Au Commencement Était l'Amour, débute la première partie (II - XI), nommée le Ressort de l'Amour - un Commentaire au Banquet de Platon. Dans ce commentaire, après avoir caractérisé le scénario et les personnages, Lacan débute chaque jour de séminaire par un tissage des interprétations de chacun des cinq premiers discours du tournoi, en consacrant, ensuite, deux jours au commentaire du discours de Socrate/Diotime et également deux pour celui d'Alcibíade avec la réplique de Socrate. Depuis le début Lacan signalise sa préférence pour le discours qui fut le plus maltraité et négligé par l'histoire de la philosophie, celui d'Alcibíade. C'est dans ce discours que Lacan cessera d´être le chevalier du texte de Platon et se dédoublera en une lecture extrèmement originale, en présentant des idées inédites à la psychanalyse et à la philosophie.
Eros sera le thème du Banquet. La psychanalyse ne peut-elle pas être définie comme une science de l'amour, une erotiké ? Mais ne serait-ce pas Eros atopique? Quelles significations les grecs anciens avaient-ils pour ce mot? Seraient-ils semblables à d´autres qui sont apparus au cours des siècles, ou à ceux que nous possédons aujourd'hui: amour platonique, amour vulgaire, savoir biblique, agape chrétien, concupiscence, amour courtois, passion, désir, sexe, amour de transfert? Le Transfert, sous-titre du séminaire, les analystes le connaissent-ils ?
L'INTRODUCTION AU BANQUET : SOBRIÉTÉ ET DIGNITÉ
Apolodore, disciple de Socrate cité dans le Phédon, est interrogé sur le célèbre Symposium qui se serait produit quelques années auparavant. Il répond à l'interlocuteur que celui-ci s'est trompé, qu´il n'y était pas présent, que le fait s'est produit il y a beaucoup plus de temps, quand il était encore enfant. Apolodore dit que tout ce qu´il sait du tel Symposium lui a été transmis par le biais de quelqu´un qui y était présent, un certain Aristodème, qui l´a raconté à celui qui le lui a raconté. Platon use ce préambule comme artifice littéraire ; s'instaure le temps mythique du il était une fois …
Où se termine la véritable historique, où commence le mythe, qu´est-ce qui aurait réllement pu avoir été dit, qu´en est-il de l´invention de Platon ? Impossible de le savoir. Tous les personnages ont historiquement existé. Agathon, nom qui en Grec désigne l'Idée du Bien, apex de la théorie de la connaissance du platonisme classique, désigne également le poète tragique chez qui se passe le Banquet, commémoration de sa victoire dans la compétition théatrale des Lénéennes, en 416 av. JC. Le Symposium se rapporte au second jour des commémorations. Tous souffrant encore d´un lendemain commateux, ils se mettent d'accord sur le fait de boire peu, de donner congé à la flutiste qui venait d'entrer et, par suggestion de Phèdre, ils choisissent Eros comme sujet du tournoi de discours.
Les orateurs se sont mis d'accord sur le fait de suivre l'ordre de la table, en commençant par la droite, tout inclinés qu´ils étaient sur une espèce de lit, sur lequel s´appuyaient trois dîneurs. Ce type de meuble, dont l'utilisation a été héritée de l'ancienneté gréco-romaine par les anciens Persans et autres peuples orientaux, retourna à la civilisation européenne, sous une forme un peu plus petite, sous le nom de lit turc, dont un exemplaire, à la fin du XIXème siècle, a été utilisé par un certain médecin viennois dans son cabinet de consultation victorien.
PHÈDRE : DU RÉEL AU SYMBOLIQUE, LA CONSTRUCTION DE LA MÉTAPHORE DE L'AMOUR
Disciple un peu acrítique de Socrate, comme cela semble clair dans un autre dialogue qui possède son nom - Phèdre – il commence le tournoi de manière absolument grandiloquente : d´abord ce fut le Chaos, ensuite la Terre (...), et ensuite Eros. (3) Phèdre cite aussi bien la Théogonie de Hésiode que le Poème de Parménide, pour justifier qu´Eros est l´un des dieux les plus anciens, si ce n´est le dieu primordial: source de l'union de tout ce qui existe et qui peut seulement exister à partir de la différenciation et de la réunion, en formant tous les êtres. Le discours de Phèdre s'initie comme discours théologique.
Commente Lacan que les dieux appartiennent au réel, qu´ils sont une sorte de révélation du réel (4). Sur le réel rien ne pourrait être dit, d´où le chemin de la philosophie est d'éloigner et renier les dieux et les supplanter par le Logos. Ainsi étant, l'amour en tant que réel existe, mais il ne peut pas être compris.
Il se peut que, par le fait qu´une meilleure compréhension d'Eros ne puisse se faire qu´à travers le symbolique, cela fut la raison pour laquelle Phèdre déplaça son discours du théologique vers un récit de plusieurs histoires. Il affirme que, considérant qu´ Eros est le plus ancien des dieux, ceux qui en sont possédés deviennent des vénérés par tous les autres dieux. Comme illustration Phèdre raconte trois mythes.
Premièrement le mythe d'Alceste, dont le mari - Admète - était condamné à mort, sauf si quelqu'un acceptait de prendre sa place, ce que pas même les propres parents d'Admète acceptèrent. Mais Alceste accepta et, pour cela, les dieux, émus, lui permirent de revenir de l´Hades et de vivre aux côtés d'Admète.
Le second mythe, celui d'Orphée, qui perd son Eurydice et va jusqu'à l'autre monde pour la chercher. Par son désintéressement et par la magie de sa lire, il émeut également les dieux, qui acceptent qu'Eurydice revienne à la lumière, mais en émettant une condition, celle qu´Orphée, en la prenant par la main, ne regarde pas en arrière jusqu'à la sortie de l´ Hadès. Presqu´à la sortie de l´Hadès, Orphée doute des dieux et d'Eurídice – il pourrait tenir la main d´un monstre - et, au dernier instant, regarde en arrière et perd son aimée pour toujours.
Le troisième mythe, celui de Patrocle et d'Achille. Pendant la guerre de Troie, Patrocle, eraste (le plus vieux, l´amant) d'Achille est tué. Achille, l´ eromene (le plus jeune, l´aimé) décide de venger Patrocle, même en sachant que cela lui coûterait la vie, tandis qu´il lui avait été prédit que, s´il ne le faisait pas, il aurait une vie longue et prospère. En mourant pour Patrocle, Achille devient le plus vénéré des dieux, plus encore qu'Alceste. Après le décès, Achille et Patrocle sont récompensés par une vie éternelle dans l'Île des Bien Aventureux.
Lacan commente sur Alceste et Achille - et qu'Orphée eut du courage em moins ou du doute en trop -, de l'amour comme métaphore, qui dans ces mythes se réalisa au sens littéral (5): suivre, substituer, se mettre à la place de l'autre à partir de son manque. La métaphore de l´amour possède plusieurs sens, tous signifiant une forme de métamorphose : se transformer du passif en actif, de l´aimé (eromene) à l´amant (eraste), du désiré au désirant, de l'avoir à l'être, de l'objet à l'identification.
La métaphore eu lieu de manière encore plus radicale dans le cas d'Achille. Au contraire d'Alceste, dont le décès impliquait qu´au moins son mari vivrait. La vengeance d'Achille ne pouvait pas ramener Patrocle à la vie. Lacan commente également qu'Alceste est celui qui possède un rôle actif - de eraste, du désirant - depuis le début du mythe, contrairement à Achille qui, par l'initiative de son action, passe de l´ aimé à l'amant. Cette transformation, du désiré au désirant, donne au mythe d'Achille et de Patrocle une dimension plus grande que celle des deux histoires précédentes, car c´est celle qui illustre le plus complètement la métaphore de l'amour.
PAUSANIAS : LES BONS INVESTISSEMENTS DE L'AMOUR CONFORMÉMENT À L'IMAGINAIRE
Pausanias, amant d'Agathon, l'amphitrion du Banquet, et sans autres qualités connues que celle-ci, prend la parole. Selon Pausanias, tout ce qui a été dit par Phèdre serait très bien si Eros fut seulement un, mais en vérité ils sont deux et, comme dans la version la plus usuelle de la mythologie Eros est le fils d'Aphrodite, ils sont deux car il y a deux Aphrodites.
La première Aphrodite, Céleste ou Uranie, ne possède pas de mère, étant fille du Ciel - Uranus - qui, châtré par son fils le Temps - Chronos -, a eu les testicules jetées à la mer. Des testicules et du sperme d'Uranus, symbolisés par l´écume de la mer, est née la déesse de la beauté, à l'intérieur de sa boticcellinéenne coquille (plus en avant nous verrons Lacan commenter combien la beauté est un déguisement pour dissimuler la castration et la mort). La seconde, Aphrodite, Populaire ou Pandémie, inférieure aussi bien chronologiquement qu´en divinité, est née d'une mère, la mortelle Dionne, et de Zeus. Tout comme il y a deux Aphrodites, il y a également un Eros Céleste et un Eros Vulgaire. Le fait qu´ Aphrodite Uranie ait eu comme origine à peine son père et la Pandémie un couple, signifie pour Pausanias que l'amour homosexuel est supérieur à l'hétérosexuel.
Chaque Aphrodite et chaque Eros symbolisent l´un des mondes de la théorie de la connaissance de Platon. Nous sommes bien à l'intérieur du domaine du platonisme et de toutes ses influences postérieures, des diverses écoles philosophiques au christianisme, des dichotomies : monde intelligible/monde sensible, spirituel/charnel, amour/sexe. Un cosmos de continuité, simple variation quantitative, se divise en deux mondes, les deux en opposition et conflit ; la variation devient qualitative : le bien contre le mal. Mais pour Platon et Pausanias le conflit ne s'est pas encore esquissé avec autant de cruauté, du monde sensible, à travers la pédagogie de la beauté, il se peut que soit atteint le monde intelligible. Aimer la beauté d'un corps est le chemin pour aimer la beauté de l'âme dans lequel elle est contenue, pour se diriger vers l'idée de la beauté contenue dans tous les corps et par celle de la vertu dans toutes les âmes, pour aimer depuis les idées qui modèlent les êtres physiques jusqu'aux idées abstraites et morales en elles-même, jusqu´à atteindre la plus haute de toutes les idées : l'Idée du Bien Suprême, qui unifie le monde intelligible et réunit les idées de la Beauté, la Vérité, et la Justice. Le discours de Pausanias constitue l'apologie de l'Eros Céleste comme pédagogie philosophique, basée sur la tradition aristocratique grecque de la pédérastie.
Lacan sera impitoyable envers ce discours. Le surnom de La Psychologie du Riche, il le définit comme : (...) la possession de l´aimé parce que celui-ci est un bon investissement, (...), l'idéal de Pausanias en matière d'amour est la capitalisation (...) (6). Le discours de la pédagogie à travers la beauté est une belle mystification. Mais pourquoi un investissement apparemment aussi bon, l'amour ? Nous nous rappelons le domaine de l'imaginaire - endroit des illusions du moi, de l'aliénation et du leurre - dans le Séminaire 1, dans sa conception initiale et illustration à partir, entre d´autres sources, de gestalt tout comme l'éthologie de K. Lorentz, quand Lacan a affirmé que la pulsion libidinale est centrée sur la fonction de l'imaginaire. Nous pouvons aussi penser à des explications au moyen de versions plus actualisées du discours biologisant, comme celles de la Sociobiologie et de la Psychologie Évolutive.
S'annonce au distinct public: que les hommes désirent les femmes jeunes et de grandes fesses et seins, parce qu´elles sont un bon investissement pour la procréation; que les femmes préfèrent les hommes plus vieux, parce qu´elles sont attirées par leur statut social et financier, parce que ceci implique un efficace soutien pour l´élevage de la progéniture; il ne faut pas oublier que toute beauté donne un statut à celui qui la possède pour elle-même ou l'achète, même en étant entièrement sociale et culturellement conditionnée, comme les parures labiales des indiens Botucudos, les pieds atrophiés des Chinoises ou les perruques du XVIIIème. Pour le sexe masculin, même quand le sexe est dépourvu de la fonction de reproduction biologique, comme dans le cas de la pédérastie grecque, ou dans le cas le plus actuel de l´ homoéotisme en général, est clair l'investissement idéal de l'imaginaire pour le plaisir : il possède une femme pulpeuse ou un jeune garçon musclé et garantit toujours son érection.
Trieb n'est pas Instinkt, mais même construits les chemins de la pulsion, nous avons tous besoin d'objets pour investir. Nous sommes bien plus esclaves de l'imaginaire que nous aimerions le penser. À moins que l'Eros-amour ne naisse dans la superposition de l'imaginaire et du symbolique.
ERYXIMAQUE : L'AMBIVALENCE, LE DÉSIR ET LE RÉEL
Conformément à l'ordre établi, le prochain discours devrait être celui d'Aristophane, l'auteur de comédies et qui, avec les quatre tragiques - Eschyle, Sophocle et Euripede – représente l´un des quatre monuments du théâtre grec classique. Mais le monument fut attaqué par une crise de hoquets. Les hoquets ont-ils lieu quand on rit ou quand on pleure trop?
Ceci étant, Aristophane cède son tour à Eryximaque, le médecin, le fils d'Acoumène, médecin plus célèbre encore. Eryximaque continue avec l´idée des deux Eros, mais subtilement il la déforme. Il y a un Eros du Bien, qui n'est pas exactement l'Eros Céleste de Pausanias, et qui apporte l'harmonie, l'accord et l'équilibre ; il y en a un autre, l'Eros du Mal, qui n´est pas nécessairement l'Eros Vulgaire, mais qui s'oppose en tout à l´Eros du Bien. Le premier Eros est responsable de la santé et de la musique: la conciliation entre les différentes humeurs du corps et entre les différents sons. Le second Eros est celui de l'excès et du déséquilibre, le responsable de la maladie et de la cacophonie. Nous sommes devant un principe si cher aux Grecs, celui que la vertu est toujours dans la juste mesure et que, à propos de l'excès – la si crainte hybris -, il serait préférable d'effacer la démesurée qu'un incendie (Héraclite, fragment 43 ).(8)
Connaisseur des deux Eros et de leurs effets, la tâche du médecin, en s'unissant à l'Eros du Bien, est de rétablir l'harmonie. Comme a écrit le poète romantique Novalis : toute maladie est un problème musical, et toute cure une solution musicale (9) . Eryximaque définit que la médecine est la science des érotiques du corps, à ce que commente Lacan, il me semble qu´il ne peut y avoir de meilleure définition de la Psychanalyse (10).
Le discours d'Eryximaque possède une grande affinité avec celui du pré-socratique Empédocle, qui divise l´arché (début, origine) du Cosmos en deux : Amour et Haine. Ce dualisme fut directement repris par Freud, qui véhémentement s'est rapporté à Empédocle comme son prédécesseur (11) (12) . Amour et Haine, Eros du Bien et Eros du Mal, Eros et Thanatos : pour beaucoup, à peine l'illustre ascendance d'une romantique spéculation métaphysique.
Lacan attire l'attention sur une chose qui jusqu´au Banquet - et pour beaucoup, également bien après le Banquet - fut quelque chose d´innovateur au discours philosophique et jusqu'à aujourd'hui un peu subversif pour divers discours psychologiques et religieux : l'ambivalence structurelle de l'être humain. En outre, le discours socratico-platonique, le discours aristotélicien, ou celui du platonisme pour les masses, ceci étant, du christianisme, tous soulignent la chimère de la recherche par un Bien Suprême. Néanmoins le discours d'Eryximaque dépasse la recherche du Bien Suprême, il s'agit de l'urgence de la réalité du désir comme tel (13) .Dans son ambivalence le désir commence à englober les deux Eros, le Bon et le Mauvais. La rupture provoquée par ce qui dépasse au-delà du principe de plaisir appartient également au désir, avec elle nous sommes face à la brutalité du mur opaque du réel.
Em parallèle Aristophane continuait, interrompu par ses hoquets. Pour lequel Eryximaque lui prescrit une ordonnance qui provoque des éternuements, et qui feront cesser le hoquet. Obéissant précisément à l´ordonnance, et avec succès, Aristophane commente : je suis en admiration devant le fait que l'harmonie du corps exige pour sa récupération des chatouilles et des fracas, comme le sont les éternuements.
(14)
ARISTOPHANE : OU COMMENT MOURIR DE RIRE DE LA CASTRATION
Le discours d'Aristophane est considéré comme le plus important et original des discours, avant celui de Socrate. Des commentateurs discutent de la raison pour laquelle Platon aurait inséré ce personnage, dont la féroce comédie les Nuées aurait été l´une des causes de la condamnation du maître de la maïeutique. Beaucoup sont d'accord avec le fait que celle-ci soit exactement la raison pour laquelle Platon ait inclu Aristophane, celle de l'innocenter de toute faute directe du décès de Socrate. Les Nuées aurait été une simple moquerie, pas une attaque personnelle, et que le comédien n'aurait pas prévu les tragiques conséquences dans lesquelles sa pièce serait utilisée. Ce que devait à peine étre une comédie aurait fini en tragédie.
Aristophane relate un nouveau mythe, création originale de Platon, qui adorait créer des mythes, le mythe de la création des êtres humains comme ils sont aujourd'hui. Originalement l'humanité se composait d'êtres sphériques, dotés de: quatre bras, quatre jambes, un visage de chaque côté de la tête et un organe génital de chaque côté du corps. C´étaient les fils: du soleil, de la terre et de la lune, ce qui expliquait leur forme sphérique. Les fils du soleil possédaient deux organes génitaux masculins, ceux de la terre deux organes génitaux féminins et ceux de la lune, qui possède la lumière d'un astre et l'ombre de l´autre, un organe génital de chaque sexe. À ces derniers, une sorte de troisième sexe, était donné le nom d'androgyne.
De telles créatures ne marchaient pas à pied, mais en roulant, elles se déplaçaient comme les saltimbanques, en tournant sur de leurs nombreux membres. Ils étaient si complets dans leur redondice qu´ils décidèrent d'escalader jusqu'au ciel et de défier les dieux. Ce qui rendut Zeus furieux. Mais les éliminer laisserait les dieux sans adorateurs. En s'admirant de la praticité de sa solution, qui multiplierait le nombre de ses adorateurs, Zeus, comme punition, divise en son milieu tous les êtres sphériques. Après les avoir coupé, comme cela est fait avec des fruits ou des oeufs - en les réduisant à: deux bras, deux jambes, un visage et un organe génital - Zeus les avertit également que si elles continuent à le défier il les couperait de nouveau, même si tous doivent sauter sur un seul pied. Après la coupe, Zeus envoie Apollon, pour qu'il guérisse les blessés et qui tourne le visage des coupés et cou vers le côté où la séparation avait été faite afin que l'homme, par la contemplation de la coupe, devienne plus humble, et qu'il se guérisse de son orgueil.(15)
Utilisant un instrument semblable à celui que les cordonniers utilisent pour lisser les rides du cuir, Apollon a lissé la plupart des rides créées par les cicatrices. Comme finition de la couture finale, Apollon a laissé le nombril, que les malheureuses créatures ont passé le reste de leurs vies à regarder.
Desespérées, les créatures em morceaux ont commencé à chercher leur moitié perdue. Quand les deux ex-moitiés se trouvaient, elles s'étreignaient jusqu'à mourir. Dans un acte de miséricorde, Zeus a encore envoyé Apollon sur la Terre. Que soit tourné l´organe génital de ces pauvres créatures vers l'autre côté, ainsi, quand ils se retrouveraient, les ex-moitiés pourraient faire quelque chose qui durant un bref moment redeviendraient un seul. Des trois types sexuels séparés sont nées toutes les combinatoires de l'amour : masculin/masculin, féminin/féminin et, le bissexuel androgyne, masculin/féminin. (16)
Lacan commente comment la sphère faisait partie de l'imaginaire grec. Depuis la conceptualisation de l'Être de Parménide à l'harmonie des sphères de l'univers géocentrique aristotélico-ptolomaique, le rond est le symbole de perfection, le fondement de la philosophie et de la théologie d'un univers créé par Dieu pour des êtres lui ressemblant. Beaucoup de siècles après, pour détruire une telle perfection ronde, Gallilée a été obligé de revenir sur les faits er Giordano Bruno a été brûlé. Les narcíssiques blessés demandent un prix élevé; les hommes ronds ne tolèrent pas d´être châtrés.
Apparemment un grand paradoxe, Aristophane, le comédien est celui qui parle du tragique du manque. Signale Lacan que la première réaction des créatures qui ont été coupées, est de s'instaurer une fatalité panique qui, pendant un premier instant préféraient périr au côté de l'autre par l'impuissance à se rejoindre (17) . Il peut se penser à la superestimation narcissique du sujet supposé dans l'objet aimé. Si surestimé parce que la brève réunion qui restaure le narcissisme, d'autant plus forte elle est, que plus forte la Verwerfung (forclusion) de la castration. Dans ces cas, nous ne nous sommes pas encore échappés du domaine de l'imaginaire. La tentative de forcluire la blessure narcíssique est une recherche incontrôlable par un réflexe dans le miroir, la panique est seulement la perception de l'impossibilité de la capture de la forme, tout comme elle est ordonnée par l'imaginaire. Néanmoins, il s'agit d'une première étape, nécessaire, mais pas suffisante, pour que cela entre dans l'ordre du désir.
Mais le comédien est aussi le premier qui descend des dualités des discours précédents, par le mythe, il explique l'expérience réelle et la très concrète douleur de la perte. En outre, Aristophane est le seul à parler des organes génitaux. Malgré le tragique de son contenu - en réalité le plus tragique de tous les discours du Banquet - il n'y a pas de lecteur ou d´auditeur qui en premier lieu ne cesse de rire du mythe aristophanique. Pour Lacan il devient évident que ce fait confirme que je leur ai dit être l'essentiel du mécanisme comique, qui a toujours dans le fond pour référence le phallus (18). Nous pouvons achever le commentaire par le très comique discours d'Aristophane, quand Lacan quelques paragraphes auparavant , a affirmé que Platon, indiscutable maître, est une espèce de Sade, mais en plus amusant.
Aimer est donner ce que nous n´avons pas à celui qui ne le veut pas: (19) dicton qui deviendra le coeur de l'idée de Lacan, où l'amour est présenté sous sa vraie lumière, comme sentiment comique. Mais, en faisant la parodie de Hamlet, le comique n´est rien plus que le masque de la chaire qui enveloppe le crâne. Définit Pierre Henri Castel:
Ce qui s'articule suite à la question du signe dans l'amour, d'une forme si décisive que, de ce que nous n'avons pas, nous ne pouvons pas donner autrement qu´un signe! Néanmoins, ce paradoxe comique est susceptible d'un retour qui fait sentir le sérieux de ce qui est en jeu, donc, nous pouvons nous demander, y a-t-il plus grand signe d'amour que de donner exactement ce que nous n'avons pas, (le phallus évidemment)?
(20)
AGATHON : CRÉATION, ATOPIE ET CONTROVERSES
Le discours suivant est celui du propre amphitrion du Symposium, d'Agathon, amant de Pausanias. Le dernier discours avant celui de Socrate inverse la théologie du premier des discours, celui de Phèdre. Eros n'est pas le plus ancien de dieux et si le plus jeune. Seulement ce qui est jeune est flexible et malléable. La fluidité fait qu'Eros se moule et pénètre dans tous les coeurs et âmes, que ce soient des dieux, que ce soient des hommes, il y fait son foyer. Excepté dans ceux dont les coeurs et les âmes sont trop durcis. Etant l'origine du plus grand de tous les plaisirs, Eros mène à la modération et à l'accord (du latin : com-cordis, avec le même coeur), en gagnant même la concupiscence, qui ne serait pas un vrai amour. Même Ares, dieu de la guerre, a été subjugué par l'amour. Mais, par dessus tout, Eros serait la source de toute création, il est le seul à conduire aux Muses. Poiesis, le terme grec pour la création, et Eros est son dieu.
La postérité fut implacable avec le discours d'Agathon. Beaucoup de commentateurs de l'histoire de la philosophie le considèrent comme rhétorique, grandiloquent, mais vide, le plus faible parmi les discours qui précèdent celui de Socrate. Est curieuse une telle l´antipathie par rapport au seul des discours, avant celui de Socrate, qui relate qu´Eros est source de la création, sujet qui sera intégralement tiré à profit par le maître de la maïeutique.
Lacan souscrit cette tradition critique, l´échec d'Agathon en est la preuve : il ne suffit pas, pour parler d'amour, d´être un poète tragique, mais il faut aussi être un poète comique (21). Argument valable aussi bien pour Platon, qui finit le Banquet avec Socrate, qui discute avec Agathon et Aristophane si l'auteur de tragédies ne doit pas aussi écrire des comédies et vice versa, que pour Lacan, dans le cas où il se rapporte à Agathon le personnage. Mais pas pour l´Agathon historique, pourquoi les compétitions théatrales grecques se composaient-elles de trois tragédies suivies d'un drame satirique, qui est une forme comique, tous du même auteur. Ou Lacan aurait-il à l'esprit, comme créateur complet, Shakespeare ? Nous comprenons aussi l'opposition de Lacan par le fait qu´Agathon ait affirmé, par rapport à Eros et aux Muses comme sources de la création, que :
il est absolument impossible à toute personne de donner ce qu´ elle n'a pas, ni d'enseigner ce que nous ne savons pas.
(22)
Le drame de la création, et pas la création du drame, devient le vrai sujet dans Platon et Lacan. Créer n'est pas exclusivement l´acte rempli de bonheur et de plaisir, au contraire, c´est seulement un masque qui cache le crâne hamlettien. Selon Lacan, l'homme résiste entre deux morts : la première, la mort physique, la seconde définit la situation de l'homme comme celui qui
(...) aspire à s'annihiler pour s'inscrire dans les termes de l'être. La contradiction occulte, le détail de se comprendre est que l'homme aspire à se détruire dans la propre mesure où il s'éternise.
(23)
Le drame de la création s'élargit par lui-même sans place, son atopie. Lacan narre longuement comment Socrate a mérité sa ciguë, pourquoi il se refusait autant à se fixer dans l´endroit qui lui était désigné par la ville, combien il élargissait cette atopie par sa manière transgressive d'être, éternellement interrogé tous savoirs institués, en insistant sur le fait que la vérité peut seulement être trouvée à partir de l'intérieur de chacun et non de n´importe quel savoir extérieur. Socrate qui est même allé jusqu`á refuser le mot écrit pour s'éterniser dans sa seconde mort, se voyait comme un créateur à la limite extrême, conduit seulement par l'exigence qu´existe une obligation à une cohérence (affolée ?) du significant elevé au pouvoir absolu.
Il nous affirme que c'est dans cette seconde mort – incarnée dans sa dialectie par le fait d´élever la cohérence du significant au pouvoir absolu, au pouvoir d´unique fondement de certitude - que lui, Socrate, trouvera sans aucun doute dans la vie éternelle.
(24)
Ensuite, le poète comique seul, pourrait-il, comme le voulait Lacan, assumer le discours de la création ?
Peut-être que le plus tragique du discours du poète tragique - paradoxe pour quelqu´un qui vit de et par le discours - c'est qu'il s'est dirigé vers le symbolique, mais n'a pas réussi sa sanction. En décrivant la création, la poiesis, a donné l´illusion optimiste qu´elle serait suffisante pour remplir le trou de la castration. Raison pour laquelle, peut-être, la postérité a reconnu son analyse comme superficielle.
INTERMEZZO ET PRÉLUDE
Après Agathon, avant de commencer son propre discours, et qu´il présentera comme n'étant pas le sien, Socrate soumet l'auteur de tragédies à une de ses typiques enquêtes. Pour le maître de la maïeutique ils ont tous fait l'éloge d'Eros avec les plus beaux et grandioses attributs, personne ne s'est inquiété de savoir s´ils étaient vrais ou pas. Socrate exige la cohérence du significant pour quelque chose que la nature humaine est viscéralement incohérente et atopique, l'amour. Cet intervalle du Banquet reflète apparemment le Socrate historique.
Peut-être que cela a été émis par Platon comme souvenir pour les lecteurs que si, d'une part l'auteur a créé autant de mythes et a abusé de son art littéraire, d'autre part l´esprit de l'atopie socratique a toujours été présent. Mais Platon, le poète, dans ses dialogues classiques de maturité, ne cesse jamais d´être un artiste, utilisant toutes les ressources littéraires. Le poète T.S. Eliot a défendu que toutes oeuvres poétiques littéraires ont aussi besoin d'une structure analogue à celle de la musique. La sèche enquête d'Agathon donne du souffle au lecteur, tout en prédisant le ton croissant de l´art oratoire et drame qui suivra.
SOCRATE/DIOTIME : L'UNION DE CELLE QUI N´A PAS À CELUI QUI NE SAIT PAS
Fidèle au principe du je sais à peine que je ne sais rien, Socrate n'énoncera en son nom aucune connaissance. Il dira que tout ce qu´il a appris sur l'Eros lui a été enseigné, quand il était jeune, par Diotime, femme de Mantinée, sage en un grand nombre de choses (25), détentrice de fonctions sacerdotales et, possiblement, d´un certain type de pouvoir surnaturel. Bien que Diotime en règle générale soit considérée comme un personnage créé par Platon, il existe de vagues soupçons du contraire.
Platon, qui dans la République défend l'égalité du pouvoir politique entre les sexes, a toujours été critiqué par son apparent féminisme. Pour les philosophes, jusqu'à récemment presque toujours des hommes, en abondance des mysogines, cela fut toujours un anathème que le plus important discours sur Eros ait été placé dans des mots dits par une femme. Lacan mentionne le spaltung ou diocisme - division, cision - des êtres ronds d'Aristophane et que Socrate, en énonçant le discours de Diotime, s'est aussi scindé. Lacan questionne car:
(...) quand il s'agit du discours de l'amour, cela échappe au savoir de Socrate, (...) celui-ci s'efface, se «diocise», et fait, en son nom parle une femme? Pourquoi pas la femme qui est en lui?
(26)
Le maître de la maïeutique révèle que, quand il était jeune, il fut également questionné par Diotime, avec la même méthode d'argumentation qui ensuite l'a rendu célèbre. Elle le fit refléchir sur le fait qu'Eros ne pourrait pas être un dieu. Aux dieux il ne manque rien, ils sont déjà, dans leur propre essence et existence: parfaits, sages, beaux. Ce n'est pas pour rien que Lacan les a placés dans le réel. Perfection, sagesse, beauté, tout ce qui manque à Eros, ou il ne serait pas toujours en train de les rechercher. Eros est le désir de quelque chose, mais aussi de quelque chose qui ne lui manque entièrement, ou il ne saurait simplement pas quoi chercher (nous écoutons des échos du discours d'Aristophane). Affirme Diotime que, entre les deux extrèmes - les hommes et les dieux – il y a des êtres intermédiaires, catégorie à laquelle Eros appartient : il s'agit d'un daimon, un messager (en Grec, angelos).
Subtilement le dialogue entre le jeune Socrate et Diotime a également provoqué un glissement des signifiants, de l'Eros-amour il devient l'Eros-désir. Pour celui qui désire, l'objet du désir est quelque chose qui ne se possède pas, et qui n´est également pas en soi même, c'est ce qui lui manque essentiellement. Commente Lacan que fut introduit l´outil de la fonction du manque comme constituant de la fonction de l'amour. (27)
Diotime énonce alors son mythe sur la naissance d'Eros. Mythe qui semble être la création exclusive de Platon. À l'occasion de la naissance d'Aphrodite les dieux ont donné un grand banquet, auquel comparut Poros (plusieurs traductions : Richesse, Ressource, Malice, Astuce). Exclu par les dieux il se mit à observer de loin Pénia (parmi autant de traductions : Pauvreté, Manque, Sans Ressources). Ivre par le nectar Poros se rendit au jardin de Zeus, où il s´endormit. Pénia, astucieuse, le séduisit et conçut un fils: Eros, qui est lié à Aphrodite par le jour de sa conception. De nouveau la tradition patriarcale grecque est mise sans dessus dessous. Le masculin est désirable, mais passif, le féminin est désirant et actif.
Em rajoutant à sa définition de Pénia, Lacan la nomme d´ Aporie terme philosophique qui définit une difficulté dans l'ordre du discours ou, comme il l´a utilisée Zénon, le raisonnement par l'absurde.
Si je leur apporte, dans ce sens, la formule qui dit que l'amour est donner ce que l´on n´a pas, rien n'existe alors de forcé (...) considérant que le pauvre Aporie par définition et structure, n'a rien à donner, si ce n´est son manque, aporie constitutive.(28) .
L'Eros-désir de Diotime possède les caractéristiques aussi bien de Pénia que de Poros : il est pauvre, rude, sale, comme sa mère ; mais du père il a hérité l'attraction par la beauté, par la connaissance ; il vit entre misère et l'opulence, entre absurdité et sagesse, en étant par excellence le daimon de la philosophie ; il n'est pas mortel ni immortel, il meurt et renaît tous les jours. Conclut Platon, c´est grand sorcier, un mage et un sophiste. (29)
Mais nous pouvons refléchir sur le fait que Poros, tout au moins au moment de la conception d'Eros, n'était pas aussi complet en soi que les créatures sphériques d'Aristophane. Nous pouvons penser que dans le mythe aristophanique la cission a causé un état de panique, une tentative de forcluire la blessure narcissique, une recherche incontrôlable d´un reflet dans le miroir et que l'installation de l´incomplétude fut seulement de l'ordre de l'imaginaire. Le vrai désir passe par la relation du sujet avec le symbolique, dans la mesure où il se distingue de l'imaginaire et de sa capture. Ou que l'amour doit restituer la tension entre l´imaginaire et le symbolique, en articulant et en séparant l'élection de l'objet par le premier et de sa sanction par le second. Dans cette interprétation Poros ressemblerait peu aux êtres sphériques.
Le mythe se dédouble dans un récit, qui appartient à la structure : celui qui n'a pas, se niche dans l'incidence de ce qu´il a ( de celui qui a) pour donner ce qu´il n'avait pas. Le sommeil de Poros et la pauvreté d´Aporie (Pénia) sont ici des éléments indispensables : pauvreté et ignorance.
(30)
ENCORE SOCRATE/DIOTIME : À-BAS LE PLATONISME !
Par le biais du talent littéraire de Platon le discours de Diotime se reflète au cours du temps, aussi bien dans le passé, quand Socrate jeune aurait écouté les semences des discours qu´il entendrait à l´avenir dans le Symposium, que Socrate déjà vieux, qui fait un complément à ces mêmes discours. Après les échos du discours du poète comique, Diotime résonne le discours du poète tragique. Ainsi comme le discours d´origine d'Aristophane il a été dirigé de l'imaginaire au symbolique, chose semblable arrivera au discours d'Agathon.
Le désir impulse vers; beauté, sagesse, justice et tout le suppément que nous offre le réflexe de l'Idée du Bien, poite de l'ultra-monde platonique. Mais quand ce sommet est atteint, se révèle un mirage. Selon Diotime, il existe dans les êtres humains un désir plus profond : celui de l'immortalité. Platon présente un de ses nombreux paradoxes, soudain tout ce qui est traditionnellement mis en valeur par le platonisme ou ses descendants - le néoplatonisme et le christianisme – tombe par terre. S´écroule la croyance en l'existence d'un monde plus parfait et réel que celui-ci - le monde des idées, avec son Idée du Bien Suprême (se lit aussi Dieu) -, s´écroule la croyance en la réincarnation, l'héritage platonique du pythagorisme. C'est comme si les hommes subitement découvraient qu'après la mort il y a seulement le sommeil sans rêve. Mais en eux il reste une grande nostalgie d´un certain type d'ultra-monde.
Aux êtres humains il ne reste qu´une sortie, emmenés par Eros-désir, ils cherchent les seules formes d´immortalité réservées aux mortels, mais qui les rapproche du don maximum des dieux, la création.
En général on appelle création ou poésie tout ce qui passe de la non existence à l'existence. (...) Tous les hommes, cher Socrate, désirent procréer selon le corps et selon l'esprit. Quand nous atteignons un certain âge, notre nature nous pousse à procréer. La procréation et la naissance sont les seules choses immortelles dans un être mortel !
(31)
Beaucoup procréent par le biais du corps - immortalité à travers les enfants -, beaucoup par le biais de l'esprit - immortalité par la création: de la philosophie, de l'art et, la plus importante pour Platon, de la constitution des lois de la polis. Contrairement à l'optimisme du poète tragique, Diotime montre que la douleur s´en prend à celui qui désire procréer et, quand il réussit, il souffre des douleurs de l'accouchement. Pour Diotime le beau continue en ayant sa fonction pédagogique: conduire de la beauté d'un corps, à la beauté de tous les corps, au concept de la beauté comme idée, à la découverte du monde des idées et de l'Idée du Bien comme idée suprême. Mais dans son discours le beau passe une fonction en plus: atténuer les douleurs de la grossesse et de l'accouchement.
Avec le personnage Aristophane nous avons vu la panique instaurée par un manque qui ne peut pas être nommé; les hommes peuvent seulement la supporter quand à elle s'associe la nomination par le symbolique. Ici nous voyons que c'est vraiment l'Eros-désir qui doit restituer la tension entre l´ imaginaire et le symbolique, en articulant et en séparant l'élection de l'objet par le premier et de sa sanction par le second.
Pour Lacan le progrès de la Philosophie a besoin de l'élimination de dieux, qui appartiennent au Réel, vers le Verbe et le Logos, le symbolique (32). Seulement quand Eros se déplace pour être l´Eros-désir - un daimon pas un dieu -, alors seulement la nomination de la douleur du manque permet toutes les autres nominations, alors seulement se produit la vraie création, pas sa négation ou une défense maniaque. Ces deux dernières seraient à l'origine : de la perversion, de la drogue, du consommationisme, du fondamentalisme religieux, etc. Au moyen de l'Eros-désir et du manque, c´est de cette façon que nous entrons dans la reconnaissance de l'objet a.
L'objet du désir cesse d'être cet objet rond et total qui irait le remplir comme un Bien, et même comme un Bien suprême. L'objet a ne se situe pas comme un objet dont les qualités spécifiques satisferaient le désir par sa présence ou le frustreraient par son absence; sa fonction est d´être la cause du désir, de le susciter.
(33)
Une fois que l'existence humaine se dissout dans l´entre-deux-morts, la physique et celle de l'inscription dans l'Être, la question du beau se révèle autre que de penser psychanalytiquement c´est le faire d'une manière tragique. Parce que le désir n'est pas seulement originaire d'Eros, mais pour Freud et Lacan il l´est aussi de Thanatos, pulsion de mort. Selon Lacan il est bien clair depuis le début du discours de Diotime que :
S'il y a deux désirs chez l'homme, qui le capturent, d'une part, dans la relation avec l'éternité, et d'autre part, dans la relation de génération, avec la corruption et la destruction inclue en elle, c'est le désir de mort, alors inabordable, que le beau est destiné à dissimuler.
(34)
ALCIBIADE : PASSION ET TRANSGRESSION
Après l'apex du discours de Socrate/Diotime, il semble pour lecteur que le texte du Banquet ira clôre. Soudainement le style change, Platon adopte tout la dramaticité du théâtre grec. La conduite si civilisée des dîneurs fait place au scandale.
Il est vrai que, depuis Philon d´Alexandrie (f. dans 39 d.C.), qui a réalisé première tentative pour concilier le judaïsme et le platonisme, qui a été suivi par plusieurs auteurs chrétiens, dont le plus célèbre fut St. Augustin, jusqu'à bien peu de temps, la défense de homossexualidade et de de la pédérastie, spécialement dans le discours de Pausania choquait les lecteurs les plus ancrés à la tradition judaico-chrétienne. Même longtemps après le Moyen Âge, cela mériterait un travail à part de l´analyse des notes des traductions (y compris l'édition brésilienne que nous utilisons), en essayant éternellement de justifier ce qui n'était pas vraiment ainsi, que dans le fond Platon condamnait une telle conduite ou que l'amour dans les exemples mentionnés était seulement une forte amitié.
Dans son introduction à la lecture qu´il fera du Banquet, Lacan, dans un ton très sarcastique, montre son étonnement sur le fait que comment un tel texte, spécialement dans sa partie finale, en rapport à Alcibiade, ait été copié par des générations de moines et de scribes, et ait pu même survivre à la Renaissance (est authentique la tradition que l'oeuvre de Sapho aurait été brûlée à Rome, en 1073, par ordre de Gregoire VII? ) (35). Il montre aussi comment le premier traducteur du texte en français se refuse à traduire le passage d'Alcibiade, ou comment plusieurs commentateurs contemporains de poids finissent leurs interprétations par le discours de Diotime. (36)
Lacan rappelle aussi aux participants de son Séminaire qui a été l'Alcibiade historique: orateur parfait, homme splendide, démagogue des multitudes, à plusieurs reprises espion et informateur, traître de tous les partis et villes auxquels il s'est associé – y compris un des rois de Sparte, dont la reine est tombée enceinte - et, finalement, assassiné par les Perses, qu´ il a aussi trahis. Alcibiade, dans da jeunesse, a été l´eromene le plus aimé de Socrate. On attribue à la carrière d'Alcibiade l´une des causes du jugement et mort de Socrate. Il se dit aussi que Platon dans le Banquet, parmi d´autres intentions, a cherché à innocenter Socrate de la responsabilité sur les perversions de son ex-discíple.
Mais pour Lacan le discours d'Alcibiade et la réponse de Socrate constituent l'apex du Banquet. Nous nous rappelons qu'au début du Symposium les participants se sont mis d´accord sur le fait qu´ils boiraient peu et sans musique. Peut-il se parler d'Eros en toute sobriété, dans une complète lucidité? Y a-t-il une certaine passion modérée, frugale? La passion, par elle même n´est-elle pas toujours transgressive? S´il n'y a pas de sobriété ni dans ces passions qui sont conscientes en toute arrogance, on imagine celles qui sont inconscientes. Ceci sera le rôle désigné pour le dernier discours, qui n'a pas été prévu, réalisé par quelqu´un qui n'a pas été invité et assez ivre pour jouer toutes les cartes, volées ou non, sur la table.
Alcibiade, couronné de fleurs et de rubans, éclate avec ses partisans, également ivres, et par une flutiste. Un vrai cortège dionisíaque dans une réunion apollonienne. Alcibiade se dirige vers Agathon, le félicite pour sa victoire et le couronne avec des fleurs. Agathon l´ invite à se coucher à côté de lui et, ainsi, Alcibiade est trés surpris:
Par Heracles, qu´ est-ce que c´est que ça? Socrate? Tu continues à me poursuivre et tu t'embusques ici, comme à ton habitude tu apparais exactement dans les endroits où je m'attends le moins à te trouver !
Réaction qui n'a pas été très différente de celle de Freud, quand il s´est aperçu que des phénomènes très innoportins avaient commencé à apparaître dans son cabinet victorien médical.
Alcibiade commence sa dénonciation de Socrate, en faisant son éloge avec exagération, comme quelqu'un qui ne ressemble à aucun autre homme des temps derniers ou des temps actuels (37), en même temps qu'il l'accuse de tous les enivrer par ses propos, avec le vertige et la folie de la philosophie (38) et avertit que le maître de la maïeutique doit déjà avoir trompé les participants du Banquet. Mais lui, Alcibiade, dit qu'il va révéler qui Socrate réellement est, qu'à travers sa séduisante conduite de plus grand de tous les eraste il est une fraude, c´est sûr, il s'agirait d'un grand hystérique.
Il se peut que Socrate soit absolument impair, personne d´autre n´est plus désirable pour Alcibiade; à ses yeux Socrate est le plus grand de tous les investissements, sans rival à Athènes ou dans toute la Grèce. Alors Alcibiade raconte dans tous les détails comment, quand il était jeune, il a essayé de toutes les manières, concrète et active, de séduire Socrate. Mais, en utilisant une expression utilisée à plusieurs reprises par Lacan dans le Séminaire 8, je vous épargne les détails. Il attire l'attention, en cohérence avec l'Alcibiade historique, c´est qu'il ne se place jamais comme passif et eromene, mais toujours comme actif et eraste, menant l'être désirant à un extrême impossible et, selon Lacan:
Parce qu´ Alcibiade, celui dont les désirs ne connaissent pas de limite; quand il s'engage dans le champ référentiel, qui est pour lui le champ de l'amour, il démontre ici un cas remarquable d'absence de crainte de la castration.
(39)
Quelle est la ténue limite entre perversion et transgression? La première est-elle seulement la seconde dans son état permanent, structurel? C'est le pervers le passionné permanent, mais sans amour «de vérité»? Et il y a des objets dignes d'Eros qui, durant un certain temps pour le moins, ne se souvient pas des caractéristiques illusoires de l'objet total, l'objet rond, l'objet sphérique sans pied ni main, le tout de l'autre. Quand cet objet cesse-t-il d´être l'objet sphérique, un investissement maximum, au-dessus de toute loi et de toute crainte de la castration pour l'obtenir? La passion peut soit se dissoudre en un rien, soit être substituée par l'amour «vrai»? Les objets de l'amour «vrai » seront-ils seulement des objets partiels, parce qu´existent seulement des pulsions partielles? Si certaines des réponses sont affirmatives, tout le discours de Freud sur l'objet total et sur la génitalité s´écroule.
SOCRATE, ALCIBIADE ET AGATHON : AGALMA ET TRANSFERT
Le discours d'Alcibiade révèle toute l'ambivalence de la passion. Sur Socrate il réclame que: de nombreuses fois je suis arrivé à désirer qu´ il ne soit plus vivant ; mais si cela arrivait, je sais bien que mon angoisse serait plus grande. (40)
Cela ne nous surprend pas, si nous savons que l'opposé de l'amour n'est la haine, mais l'indifférence, que les accusations envers Socrate sont des mélanges des plus hauts compliments.
Alcibiade compare Socrate au satyre Marsias et aux silènes, nom qui génériquement désignent les vieux satyres ou les satyres qui à l'inverse d´être en partie un bouc, seraient une partie équestre, mais d'une manière plus spécifique désigne un personnage du cortège de Dionysos. Ce dernier est toujours représenté comme un vieux gros et ivrogne, qui suit son dieu monté sur un âne et de son mythe il existe beaucoup de variantes: peut-être est-ce le fils de Pan ou peut-être est- il né des gouttes du sang de la castration d'Uranus, peut-être a-t-il produit le centaure Pholos, peut-être est-il le père d'un Apollon champêtre.Nous sommes dans le royaume des personnages mi-humains, mi-animaux, de toutes les interprétations possibles pour des objets partiels, théories sexuelles infantiles, craintes de la castration et des phobies. Que dirait Hans de tels personnages? (42)
De ce Silène les Grecs anciens faisaient des statuettes qui, ressemblant à des statuettes de phallus, servaient d'amulettes de bon augure. Disait en colère Alcibiade que:
(...) Socrate est semblable à ces Silènes qui se trouvent dans les ateliers des statuaires, et que les sculpteurs représentent avec des flûtes dans les mains: et quand s'ouvrent ces statues, nous voyons qu'à l'intérieur se loge un dieu.
(43)
Cet objet magique et brillant à l'intérieur d'une statue apparaît comme une espèce d'embuscade pour dieux (44). Il ressemblait aux poupées russes, qui s'ouvrent l´une à l'intérieur de l'autre, ou à des statues de la Vierge, où une petite porte montre la figure du fils dans son ventre, selon Lacan il possédait la valeur que nous appelons ex-votes (45). Seulement dans le cas des anciennes statuettes grecques c'était un objet extérieurement grotesque, réelle ressemblance au vieux bedonnant avec grand nez qu´était Socrate. L'objet à l'intérieur de la statue est un Agalma: ce terme grec - qui peut être traduit par ornement, trésor, objet d'offrande aux dieux, ou, de manière plus abstraite, valeur - représente le point pivot de la conceptualisation lacanienne de l'objet cause du désir « l'objet a ». (46)
Celui-ci est l'objet si cher à Lacan. :
(...) Agalma, a, objet du désir, quand nous le cherchons selon la méthode kleinienne, il est de sortie, avant tout développement de la dialectique, il est déjà là comme l´objet du désir.
(47)
Mais Agalma n'est pas l'objet rond, sphérique ou plat que serait le Suprême Bien de Platon ou l'objet total de Freud, l'accumulation de l'amour. Au contraire, un tel objet sphérique, dont la perfection le fait ressembler à quelque chose de l'imaginaire uniquement, serait la tombe de l'amour. Le fait que Platon, probablement bien plus que le Socrate historique, se dirige vers une dialectique nommée d'ascendant, vers l'Idée du Bien Suprême, révèle, pour Lacan, une ignorance des lois du désir dans sa relation avec l'objet qui peut seulement être mis à nu par la lumière innocente de la psychanalyse.
Le fait qu´Agalma soit à l´origine une notion religieuse n'implique absolument pas qu´il indique qu´il doive se rappeler de l'intérêt religieux. Sous cet aspect le psychanalyste ne doit pas se prendre pour un grand prêtre de l'inconscient, même comme son patient, par amour de l'agalma qu´ il perçoit en lui, il lui attribue tout pouvoir et toute science
(48)
Bien au contraire, l'idée d'Agalma dénonce les religions comme des créations imaginaires stimulées par l'illusion de l'existence concrète du Bien Suprême. Cela ne serait pas moins que le fait que toute religion a besoin d´un type quelconque de mot révélé, ceci dit, dictée directement par une divinité, d'un mot écrit ou non dicté à travers le symbolique, mais venu directement du réel, la forclusion qui crée une hallucination psychotique.
Malgré ceci, la recherche de l'objet total, le plus mûr, le plus élevé, en ayant comme satisfaction la sexualité génitale et en représentant la santé mentale, aurait été une des illusions initiales de la psychanalyse. Sans aucun doute une illusion suffisamment cohérente dans un Freud et toute une génération d'analystes créée par le modèle ethnocentrique européen, bien que ce modèle était déjà en train de tomber en panne: la culture occidentale - se lit Européenne - l'apex de la civilisation et l'homme adulte, génital, hétérosexuel et le sublimateur de tout le reste, le spécimen le plus évolué de cette civilisation.
Semblable à la luminosité dans le nez décrit par un certain patient pervers de Freud (49) , l´ Agalma est un objet partiel. Nous avons vu comment l'objet du désir n'est pas celui dont les qualités spécifiques satisferaient le désir par sa présence ou le frustreraient par son absence, sa fonction est d´être la cause du désir, le susciter.
Pourtant, notre premier effort a été de l'interpréter en indiquant une dialectique de la totalisation, le transformer en l'objet plat, l'objet rond, l'objet total, seul digne de nous, l'objet sphérique sans pied ni jambe, le tout de l'autre, où, comme tous le savent, irrésistiblement notre amour se termine, il renconte sa fin.
(50)
En répondant à Alcibiade, Socrate montre à tous que son ex-disciple favoris s´en est tragiquement sorti par un échec complet, il n´a jamais été compris l'objectif philosophique. Depuis leurs tout débuts la pédagogie socratique, la séduction qui jamais ne conduisait concrètement à la jouissance physique, ne pourrait pas simplement être étiquetée d'hystérie. L'objectif de Socrate était que les disciples - eromene, désirés, passifs – développaient une passion pour lui, mais ils ne l'avaient pas seulement comme objet. Principalement qu'ils ne l'avaient comme l'illusion d'un objet total, au cas où Socrate aurait en plus un des fanatiques, encerclé par ses partisans, dont l'histoire est remplie. Mais l'insatisfaction sexuelle, la distinction du manque inclue dans tout désir et tout amour, avait comme finalité le fait que se produisait l'identification avec lui-même, Socrate. Contrairement au fait d´être possédés ou de posséder physiquement Socrate, ils élaboraient le deuil de cette impossibilité, en passant à être comme lui, en aimant ce qu´ il aimait, la philosophie.
Le vrai objectif socratique était l'instauration de la métaphore de l'amour, passer de l´avoir à l'être, que les disciples le substituaient comme eraste, actifs et désirants, en chassant tout comme lui la cohérence du signifiant comme seule forme d'atteindre la vérité. Le manque implicite en tout Eros-désir est qu´il crée l'espace capable de rencontre de cette vérité, pas un « je sais ce qui est meilleur pour toi », qui est le discours de l'homme politique ou du maître, parce qu´en même temps cela serait la vérité de chacun, qui peut seulement être découverte à partir d'elle même. Lacan peut se parodier et se dire: il me semble qu´il ne peut se donner de meilleure défintion de la Psychanalyse.
À la fin de l'ambivalent compliment d'Alcibiade, du discours de la passion, il nous semble encore que le texte du Banquet ira se conclure. Nous sommes encore surpris. Socrate dénonce que le discours d'Alcibiade est plus une tentative d´ essayer de le séduire, ou, tout au moins, c´est ce qu´il semble. Comme une nouvelle blessure infligée au grans narcissisme, Socrate est celui qui prend le ton de la dénonciation. Il accuse Alcibiade d'avoir très bien déguisé la vraie cible visée par son discours:
(...) tous tes mots visaient seulement à susciter de l'inimitié entre moi et Agathon. Tu crois que je dois t'aimer, toi, et personne d´autre; et qu'Agathon ne doit être aimé que par toi, et par personne d´autre. Aucun d´entre nous, néanmoins, n´a cessé de remarquer ton intention ; le drame satyrique et silénique a été révélateur. (51)
Dit d'une autre manière, le maître de la maïeutique montre que l'Agalma qu´ Alcibiade verrait prétenduement en lui, Socrate, mais qu'en vérité Alcibiade ne se serait jamais rendu compte qu'il lui appartenait à lui même, il ne lui était pas destiné - ou pas uniquement à lui - mais à Agathon. C'est que Socrate ne peut refuser que cela parce que, pour lui, il n´y a rien qui soit aimable en lui. Son essence est (...) ce vide, ce creux (...).
(52)
Socrate n'a pas demandé d´argent, mais ce qui a été interprété est qu'Alcibiade voulait l'obliger à être lui, Alcibiade, objet exclusif du maître de la maïeutique, en même temps qu´Agathon deviendrait objet exclusif d'Alcibiade lui-même. Ou, dit plus cruement, Alcibiade voulait de Socrate qu íl soit seulement un bibelot - le plus précieux d'Athènes - pour le garder dans sa collection - et posséder Agathon - plus jeune et vainqueur au théâtre – comme amant qui lui serait absolument fidèle. Dans le royaume des objets partiels à l'extrème, le sujet est aboli, réifié, aliénée dans une « chose » de la réalité objective. Ce que Socrate essaye de suggérer à Alcibiade c´est la nature transférentielle de son supposé amour, que l'Agalma qu´il lui a prêté lui appartient à lui-même, Alcibiade, en même temps qu'il doit le mener à celui qui réellement lui est important, qui doit être le vrai réceptacle de tout Agalma, et, peut-être, alors il peut y avoir un objet un peu moins partiel.
Le fantaisie interprétatif construit sur le texte de Platon montre aussi que, à la différence entre la relation de Socrate et de Diotime, qui serait une relation double et ceci seulement existe comme un mythe pour le sujet, parce que n´existant pas d´autre il n'existe pas non plus de sujet, la relation transférentielle a besoin d'un troisième - Socrate dans ce cas - dont la finalité ultime serait de réorienter tout désir vers son vrai objet. Ceci est la demande consciente ou inconsciente de tout patient, que l'analyste lui enseigne à mieux aimer et à avoir du plaisir qui le satisfasse plus. Si l'analyste croit qu´il est lui-même ce qui en vérité est l'Agalma de son patient, sera configuré le piège de la séduction ; si l'analyste brandit l'Agalma phalliquement et comme si c´était le sien, nous avons un beau fétiche et la thérapie de l'ego; et si l'analyste, conscient ou inconscient, use l'Agalma à son propre bénéfice, nous avons la manipulation et le manque d'éthique. C'est-à-dire que, par toutes ces conduites l'analyste se décrédite lui même.
CONCLUSION : DU BANQUET ET DE L'INTERPRÉTATION
Agathon comprend l'interprétation de Socrate et la tentative d'Alcibiade de les séparer et invite Socrate à rester à ses côtés pour le reste du Symposium. Le refus d'Agathon rend Alcibiade furieux. Soudainement éclate dans l'enceinte un nouveau groupe de festif et ivre et le désordre domine tout. Tous commencent à boire sans modération. Tout ce que le narrateur, qui a raconté à celui qui a raconté à Apollodore, dit que le jour suivant, sauf Agathon, Aristophane et Socrate, ils dormaient tous. Mais Socrate continuait d´argumenter avec les deux poètes sur le fait de savoir si ce qui produit des tragédies doit aussi produire des comédies et vice versa. Les deux poètes se sont aussi endormis et seulement Socrate est resté éveillé et sobre. Il s'est dirigé vers le Lycée, il s'est baigné, et a passé le reste de la journée à ses occupations de routine, ceci étant, en réfléchissant, et seulement le soir il se rendit chez lui pour dormir. Et ainsi se termine le texte du Banquet de Platon.
Lacan montre qu'Aphrodite renaît tous les jours (plus correctement cela serait de dire que c'est Eros qui renaît tous les jours) et joue aussi avec le terme grec des kallimeros, « beau désir », peut-être « amour vrai », peut-être « amour éternel ».
Qu'il ne leur soit pas trop pesant de penser, ils se rappèlent que ce terme, éternel amour, est placé par Dante, expressément dans les portes de l'Enfer.
(53)
Et ainsi se termine la première partie du Séminaire, livre 8 - le transfert.
BIBLIOGRAPHIE:
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SBANO, V. Entre Diotime e Alcibiade, in Agora – Estudos em Teoria Psicanalítica (Agora – Etudes en Théorie Psychanalytique). Rio de Janeiro, Programme de Spécialisation en Théorie Psychanalytique, UFRJ/Contra-Capa, vol. 1, nº 1, juillet/décembre 1998.
NOTES:
* Membre Effectif et Psychanaliste du CBP-RJ, Médecin et Bachelier en Philosophie de l´UFRJ, Maître en Médecine (Psychiatrie) et en Philosophie de l´ UFRJ, Docteur en Philosophie de l´UFRJ
1- PLATÃO. Diálogos: Mênon-Banquete-Fedro (PLATON, Dialogues: Ménon-Banquet-Phèdre). Rio de Janeiro, Ediouro, 21ème édition, 1999, traduction directe du grec de Jorge Pleikat; ont également été utilisées les traductions françaises de: Bernard e Renée Pietre, dans Le Banquet, Les Intégrales de Philo/Nathan, 1983; e de Mario Meunier, dans Le Banquet, Agora/Presses Pocket, 1992.
2- LACAN, J. O Seminário, livro 8 - a transferência (Le Séminaire, livre 8 - le transfert). Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, 1992.
3- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 83.
4- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 51.
5- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 53.
6- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 63.
7- LACAN, J. Le Séminaire, livre I - Lês écrits techniques de Freud. Éditions du Seuil, 1975, pp. 194-195.
8- BORNHEIM, G. A. (org.). Os Filósofos Pré-Socráticos. São Paulo, Cultrix, 1999, p.38.
9- Cité dans AUDEN, W. H. Collected Poems. New York, Vintage International, 1991, p. 836 (traduction de l´auteur)
10- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 77.
11- FREUD, S. An Outline of Psycho-Analysis, in The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, vol. XXIII. The Hogarth Press and the Institute of Psycho-Analysis, London, reprinted 1978, p. 149.
12- FREUD, S. Analysis Terminable and Interminable, in op. cit. , p. 245, reprinted 1978, p. 245.
13- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 72.
14- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 94.
15- PLATAÕ. 1999, Op. Cit., p. 96.
16- Il est intéressant de se rappeler le passage dans lequel Platon cite le discours d´Aristophane comme illustration de la pulsion de mort: (...) parce que cela fait remonter à l´origine d´un instinct à um besoin de restaurer um état antérieur des choses.Ce que j´ai à l´esprit est naturellement la théorie que Platon a placé dans la bouche d´Aristophane dans le Symposium et qui ne traite pas seulement de l´origine de l´instinct sexuel, mais aussi de la plus importante de ses variations par rapport à l´objet. FREUD, S. Além do Princípio de Prazer, in Edição Standard das Obras Completas de Sigmund Freud (Au-delà du Principe de Plaisir, dans l´ Edition Standard de l´oeuvre complète de Sigmund Freud), vol. XVIII. Rio de Janeiro, Imago, 1976, p. 78.
17- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 93.
18- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 99.
19- LACAN, J. Semininário 12, 17/3/65. Citado in CASTEL, P.-H. Amor, in DORGUILLE, C., CHEMAMA, R. Dicionário de Psicanálise - Freud e Lacan (Dicionnaire de Psychanalyse - Freud et Lacan). Salvador. Agalma, 1994, p. 17,,
20- CASTEL, P. - H. 1994, Op. Cit., pp. 17-18.
21- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 114.
22- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 103.
23- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 103.
24- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 106.
25- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 107.
26- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 123.
27- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 119.
28- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p.126.
29- PLATÃO. 1999, Op. Cit. p. 109.
30- SBANO, V. Entre Diotime et Alcébíades, dans Agora - Estudos em Teoria Psicanalítica (Agora - Etudes de la Théorie Psychanalytique).Rio de Janeiro, Programa de Pós-Graduação em Teoria Psicanalítica, UFRJ/Contra-Capa, vol. 1, nº 1, juillet/décembre 1998, pg 67.
31- PLATÃO. 1999, Op. Cit., pp. 111-112.
32- LACAN, J. 1992., Op. Cit., p. 51.
33- LACÔTE, C. Agalma, in KAUFMANN, P. (editor). Dicionário Enciclopédico de Psicanálise - O Legado Freud e Lacan. Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, 1996, p. 15.
34- LACAN, J. 1992, Op. Cit., pp. 130-131.
35- FONTES, J .B. Eros, Tecelão de Mitos. São Paulo, Iluminuras, 2003, p. 146.
36- LACAN, J. 1992, Op. Cit., pp. 28-33.
37- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 125.
38- PLATÃO. 1999, Op. Cit., p. 122.
39- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 160.
40- PLATÃO. 1999. Op. Cit., p. 121.
41- GRIMAL, P. Dicionaire de la Mythologie Grecque et Romaine. Paris, Presses Universitaires de France, 1963.
42- A. DAVID NAPIER. Masks, Transformation and Paradox. Berkeley - Los Angeles - London. University of California Press, 1984. Dans ce livre on discute la relation entre celles-ci les figures mythologiquess, mi-homme mi animal, et son origine à partir des masques et des vêtements d'animaux, utilisés par chamans dans l'ancienne tradition indo-européenne. Aussi on se souvient l'origine totémique de ces pratiques religieuses et curativas.
Dans LOPES, A.J. Esthétique et Poésie : Image, Métamorphose et Temps Tragique. Rio de Janeiro, Sept Lettres, 1996, a été reprise la question de la propre origine du théâtre grec, qui a de telle façon servi pour l'Origine de la Tragédie de Nietzsche, son bourgeonnement à partir du culte à Dyonisos, le dieu des métamorphoses, du vin et de l'extase, toujours entouré de son cortège de : satyres, centaures, silènes et bacantes. Du culte de Dyonisos serait apparu le choeur et de lui le théâtre. L'apex du théâtre grec classique s'est caractérisé par le très important rôle du choeur, originèlement un choeur de satyres. Dans les comédies classiques d'Aristophane plusieurs fois le choeur, que donne le nom à la pièce composée d'animaux : Les Grenouilles, les Guêpes, les Oiseaux.
43- PLATÃO. 1999. Op. Cit., p. 119.
44- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p.146.
45- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p.146.
46- LACÔTE, C. Agalma, in KAUFMANN, P. (editor). Dicionário Enciclopédico de Psicanálise - O Legado Freud e Lacan. Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, 1996, p. 15.
47- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 150.
48- LACÔTE, C. Agalma, in KAUFMANN, P. (editor). Dicionário Enciclopédico de Psicanálise - O Legado Freud e Lacan. Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, 1996, p. 17.
49- FREUD, S. Fetichism, in The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, vol. XXI. The Hogarth Press and the Institute of Psycho-Analysis, London, reprinted 1978.
50- LACAN, J. 1992, Op. Cit., p. 147
51- PLATÃO. 1999. Op. Cit., p. 126.
52- LACAN, J. Op. Cit. P. 157.
53- LACAN, J. Op. Cit. , p. 165
La citation correcte de Dante devrait être:
(...)
m´a fait la divine Potestade, mais
le suprème Savoir et le premier Amour.
Ou dans l´original:
( ...)
FACEMI LA DIVINA POTESTATE,
LA SOMMA SAPIENZA E ‘L PRIMO AMORE,
ALIGHERI, D. . A Divina Comédia – Inferno (Divine Comédie – Enfer). São Paulo, Editora 34, 1998, p.37, trad. Ítalo Eugenio Mauro
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